La crise du livre by Henri Baillière

La crise du livre by Henri Baillière

Auteur:Henri Baillière [Baillière, Henri]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Payot
Publié: 2017-01-14T23:00:00+00:00


Les bibliophiles d’aujourd’hui

De nos jours, les bibliophiles peuvent se ranger en deux classes : les bibliophiles sages et les bibliophiles passionnés.

Le bibliophile sage achète des livres pour leur valeur intrinsèque, pour ce qu’ils contiennent ; il recherche les bonnes éditions ; il veut des volumes habillés décemment ; il les lit et les relit, et il serait tenté de dire comme d’Alembert : « Malheur à tout livre que l’on n’est pas tenté de relire. »

Cardan, un savant mathématicien et médecin du XVIe siècle, ne voulait que trois livres, sauf à les relire :

Une vie des saints et autres grands hommes.

Un livre de poésies, pour amuser l’esprit.

Et un traité des règles de la vie civile.

Cette pratique, si elle s’était répandue, n’aurait pas fait la fortune des libraires. Et vraiment qui sait aimer les livres n’a pas besoin d’en posséder un grand nombre. Lire beaucoup est le fait d’un érudit ; l’essentiel est de bien lire, et d’extraire du livre les trésors que le génie ou la science y a déposés.

En général même, plus on a de livres, moins on en lit, et j’ajouterai que si on n’achetait que ceux dont on fera usage, on n’en achèterait pas beaucoup.

Le bibliophile passionné ne recherche ni un Estienne, ni un Colines, ni un Didot, ni un Crapelet ; il dédaigne un Caxton, un Elzévier, un Alde, un Bodoni ; il ne lit jamais ; il veut une provenance extraordinaire, une reliure armoriée ou sortie des ateliers des relieurs illustres, ou bizarrement conforme au genre du livre, un tirage à petit nombre sur papier de luxe, une suite de vignettes en divers états ou d’aquarelles originales : au besoin, il se fera une spécialité des éditions originales de Molière ou de Corneille, des poésies galantes du XVIIIe siècle (surtout à cause des gravures), des pamphlets de Ruelles, des éditions originales des romantiques avec la couverture, ou même des premières éditions des romans contemporains, bien qu’elles ne diffèrent des suivantes ni comme texte, ni comme papier, ni comme impression ; il veut surtout ce que n’a pas le voisin, et serait peut-être prêt à imiter cet amateur de tulipes, qui, ayant appris l’existence d’un oignon de même espèce que le sien, qu’il croyait unique, l’acheta 30 000 florins, pour le broyer sous ses pieds.

Pour lui, le livre n’est pas un instrument de travail, c’est un objet de luxe, c’est un bibelot : il l’achète comme il achèterait une tapisserie des Flandres ou une porcelaine du Japon : « Il aime les livres, ainsi que disait La Rochefoucauld, comme des meubles, plus pour parer et embellir sa maison que pour orner et enrichir son esprit. »

Plus n’est besoin alors de galerie ; un meuble, une étagère, même, suffit.

Ce type de bibliophile qui ne lit jamais n’est d’ailleurs pas tout à fait nouveau ; il a pour ancêtres :

Les bibliotaphes, qui, au dire de Robert Estienne, amassent des livres comme les avares amassent des écus, pour en jouir seuls et ne les communiquer à personne ;

Les bibliomanes,



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.